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L'armistice-trahison. Le courage politique de Léonel de Moustier


Henri de MOUSTIER
Besançon, Edition Editions Cêtre , 2002, 375 pages

Par cet ouvrage, Henri de Moustier, le douzième enfant de Léonel, a tenu à retracer l'épopée militaire et politique de son père avant que "l'oubli ne s'empare de son souvenir". Le titre déjà est éclairant : "L'armistice-trahison". Pour Léonel de Moustier l'armistice de 1940 a été une trahison et le maréchal Pétain un "traître". On pourrait rapprocher ce sentiment de celui que Jean Guéhenno le 17 juin 1940 a éprouvé, dans son Journal des années noires : "Voilà, c'est fini. Un vieil homme qui n'a plus même la voix d'un homme mais parle comme une vieille femme, nous a signifié à midi trente que cette nuit il avait demandé la paix... je ne crois pas que les hommes soient faits pour la guerre. Mais je sais qu'ils ne sont pas non plus faits pour la servitude".

Le courage politique de Léonel de Mosutier est d'avoir, le 10 juillet 1940, avec quatre-vingt parlementaires, refusé les pleins pouvoirs au Maréchal. Ce fut le début de sa "résistance". Léonel de Moustier a eu un destin hors du commun. Né en 1882 dans une très ancienne famille d'industriels comtois, cétait un "grand seigneur". Il choisit la politique. Conseiller général puis député de 1928 à 1936, comme l'avait été son père. Il fut par conviction et par tradition homme de droite mais démocrate et républicain. En 1914, déjà père de six enfants il passe toute la guerre au front, démobilisé comme lieutenant en 1919. En 1939, alors âgé de 57 ans et père de douze enfants il est mobilisé avec neuf de ses fils et gendres. Malgré la mort en mission de son fils dès octobre 1939, il demande à rester dans une unité combattante et participe à la bataille de Dunkerque.

Son parcours, dès lors, fut cohérent, suite logique de son hostilité à l'armistice et à Pétain. Il met à contribution ses relations, organise avec ses amis des réseaux de renseignements, des filières d'évasion, des équipes de sabotage. Son domaine de Bournel, installé sur le versant boisé d'un des contreforts du Jura, devient un centre de résistance pour les évadés, les réfractaires et les aviateurs abattus. Ses bois dissimulent un des premiers maquis de la région, le "maquisat". Il lui est confié l'organisation de l'arrondissement de Baume-les-Dames et du canton de Villersexel. "On disait de lui qu'il était audacieux, on murmurait qu'il était téméraire, mais il pensait que son nom, son passé, son honneur exigeaient qu'il n'eut pas la prudence qui s'imposerait alors à tout un chacun." La Gestapo avait eu connaissance du refuge de Bournal pour les jeunes gens réfractaires au STO et elle vient arrêter Léonel de Moustier le 23 août 1943 ainsi que son fils Guy et le jeune Henri (l'auteur de l'ouvrage qui, lui, âgé de 17 ans fut relâché).

Ce fut d'abord la prison de Besançon, puis Compiègne et en juillet 1944 le camp de Neuengamme (l'enfer de Farge) où il meurt. Son fils Guy était parti dans le convoi du 22 mai 1944 pour Neuengamme et Woeblin où, épuisé, il fut quand même sauvé par l'arrivée des Américains.

Ainsi, Henri de Moustier (qui dirigea le journal la "République de Franche-Comté") a longuement et fidèlement décrit l'épopée exemplaire de cette famille exemplaire. L'ouvrage - très documenté - comprend des annexes historiques précieuses, des documents oubliés de nos jours et notamment les péripéties du monde politique autour du vote des pleins pouvoirs et surtout les textes de la convention d'armistice. A faire lire à tous ceux qui croient encore que le maréchal a voulu jouer "double-jeu".

Claire Richet
Membre du réseau "Alibi"

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