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Daniel CORDIER


(1920-2020)
Coll. Musée de l'Ordre de a Libération
Coll. Musée de l'Ordre de a Libération

Né le 10 août 1920 à Bordeaux (Gironde), Daniel Cordier est issu d'une famille bourgeoise. Il grandit dans un milieu catholique et conservateur. Bien que très jeune, il est déjà engagé politiquement dans la mouvance de la droite nationaliste. Militant de l'Action française, à Bordeaux il fonde à 17 ans le Cercle Charles Maurras local. À ce titre, il est, comme il le reconnaîtra lui-même dans ses mémoires, antisémite, anticommuniste, antiparlementaire et profondément nationaliste.

Brûlant de participer aux combats de la campagne de France, il attend, près de Pau où il réside avec sa famille, son incorporation prévue le 10 juillet 1940. C'est là que le 17 juin 1940 il entend, consterné, le discours radiodiffusé du maréchal Pétain appelant à cesser le combat et annonçant la demande d'armistice faite auprès des autorités allemandes. Refusant immédiatement par patriotisme la défaite de la France, le jeune Cordier veut poursuivre la lutte. Avec 16 autres volontaires, il embarque le 21 juin sur un navire belge, le Leopold II, qui quitte le port de Bayonne pour gagner l'Afrique du Nord, où le gouverneur général Nogues apparaît à cette date susceptible de continuer la guerre aux côtés des Britanniques. Mais Nogues se rallie finalement à Pétain dès lors qu'aucune clause de l'armistice ne remet en cause l'intégralité de l'Empire. En chemin, leur navire est dérouté vers l'Angleterre et, le 25 juin 1940 Daniel Cordier et ses camarades débarquent à Falmouth. Le 28 juin 1940, ils signent leur engagement dans la France libre et figurent ainsi parmi les tous premiers volontaires à le faire.

En juillet 1940, Daniel Cordier est affecté à un Bataillon de Chasseurs. Il débute une formation militaire à Delville Camp puis à Camberley et enfin au camp d'Old Dean. Son bataillon étant dissous, il rejoint un peloton d'élèves-officiers. Promu aspirant en août 1941, il désespère de ne pouvoir rejoindre le théâtre des opérations en Afrique. À force de persévérance, il parvient à être affecté, à l'été 1941, au service « Action » du Bureau central de Renseignements et d'Action (BCRA), les services secrets de la France libre.

Pendant plusieurs mois, il suit une formation spéciale très poussée dans des Special Training Schools disséminées en Angleterre. La formation des futurs agents de la France libre est assurée par des instructeurs britanniques aguerris. Elle comprend notamment les méthodes de sabotages par explosifs, les techniques de transmissions radio clandestines, les procédures pour organiser des opérations d'atterrissages et de parachutages. Une part importante des cours porte sur les règles de sécurité de la vie clandestine.

Le 26 juillet 1942, Daniel Cordier est parachuté en France près de Montluçon avec comme mission de devenir le radio et le secrétaire de Georges Bidault, chef du Bureau d'Information et de Presse (BIP). Après avoir regagné Lyon, le 30 juillet 1942, il rencontre pour la première fois Jean Moulin, représentant du général de Gaulle. Tout de suite, ce dernier le détourne de sa mission initiale et l'engage pour organiser son secrétariat à Lyon et mettre sur pied un état-major clandestin dans le plus grand dénuement de moyens et de personnel. Au contact de Moulin, dont il est le plus proche collaborateur, Cordier renonce définitivement à ses opinions d'extrême droite et adhère désormais aux idées démocrates et républicaines. Sa tâche d'organisateur est immense et harassante. Daniel Cordier recrute des agents de liaison, il chiffre et déchiffre les télégrammes et les rapports, il veille aux transmissions par radio, il organise les rendez-vous de Jean Moulin, il met en lieu sûr l'argent parachuté et assure sa distribution aux mouvements et aux autres agents... Ainsi naît la Délégation générale animée par une poignée de jeunes volontaires. De par ses fonctions, il est au cœur de l'intensité des tensions entre Moulin et les chefs de mouvements. Au début de l'année 1943, lorsque Jean Moulin est rappelé à Londres, Daniel Cordier le représente directement auprès des chefs de mouvements de la zone Sud dans un contexte de crise. L'instauration du Service du Travail obligatoire (STO) en février 1943 entraîne la création des premiers camps de réfractaires que les mouvements voudraient pouvoir encadrer et équiper. Mais Londres s'oppose pendant plusieurs semaines à l'augmentation des financements demandée par la Résistance intérieure.

En mars 1943, Jean Moulin confie à Daniel Cordier le soin d'organiser et diriger à Paris son secrétariat de zone Nord. Le 27 mai 1943 en plein Paris occupé, il participe à l'organisation, de la réunion constitutive du Conseil national de la Résistance (CNR) présidée par Jean Moulin qui marque une étape importante dans le processus d'unification de la Résistance française.

Après l'arrestation de« Max », le 21 juin 1943 à Caluire, Daniel Cordier continue sa mission en zone Nord comme secrétaire de la Délégation générale en France auprès de Claude Bouchinet-Serreulles, successeur par intérim de Jean Moulin comme représentant du général de Gaulle en France métropolitaine.

Fin mars 1944, traqué par la Gestapo, il doit quitter la France en passant les Pyrénées. Interné en Espagne, il rejoint l'Angleterre fin mai 1944 où il est nommé chef de la section des parachutages d'agents du BCRA.En octobre 1944, il intègre la Direction générale des Études et Recherches (DGER) avec pour mission de dépouiller les archives des services secrets de la France libre en vue de la rédactiondu Livre blanc du BCRA. Devenu chef de cabinet du colonel Passy, directeur de la DGER, Daniel Cordier démissionne de ce poste en janvier 1946, après le départ du général de Gaulle de la présidence du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF).

Daniel Cordier commence une collection d'art contemporain et devient bientôt galeriste. Ce goût pour l'art contemporain, il le doit à Jean Moulin qui l'a véritablement initié lorsqu'il était son secrétaire. Grand collectionneur et proche des milieux artistiques qu'il avait fréquentés dans l'entre-deux-guerres, Moulin avait choisi comme couverture à ses activités clandestines la profession de marchand de tableaux, ouvrant même une galerie d'art en février 1943 à Nice, la galerie Romanin. Lorsqu'il recrute Daniel Cordier pour travailler à ses côtés, l'ancien préfet lui explique qu'à chaque fois qu'il se sentirait suivi ou observé, il se mettrait spontanément à lui parler d'art pour ne pas éveiller les soupçons.

Au début des années 80, Daniel Cordier consacre sa vie à se faire le biographe et le défenseur de la mémoire de Jean Moulin. Entre 1989 et 1993, il publie trois tomes de Jean Moulin, l'inconnu du Panthéon (JC Lattès) et en 1999 Jean Moulin, la République des catacombes (Gallimard). Il rédige également ses mémoires de résistance, Alias Caracalla, qui obtiennent en le prix Renaudot essai en 2009.

Compagnon de la Libération, Grand Croix de la Légion d'honneur, membre du Conseil de l'Ordre de la Libération, Daniel Cordier est décédé le 20 novembre 2020 à Cannes (Alpes-Maritimes).Il était l'avant dernier Compagnon de la libération encore en vie.

Frantz Malassis