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Décès de P. Sudreau, président de la Fondation de la Résistance (2006-2009)

Actualité Actualité, Lun 23 janvier 2012

Pierre Sudreau, président de la Fondation de la Résistance de 2006 à 2009 est décédé.

Résistant dès 1940 au sein du réseau Brutus, déporté à Buchenwald, « grand commis » de l'État sous la IVe République, ministre du général de Gaulle de 1958 à 1962, président de la Fédération des Industries ferroviaires, c'est le dernier co-signataire de la constitution de la Ve République qui nous quitte.

 Né le 13 mai 1919, fils d'industriel, il perd son père très jeune et devient pensionnaire au lycée Hoche de Versailles. À l'âge de 12 ans, après la lecture de Vol de Nuit, qui l'a profondément enthousiasmé, et après avoir écrit à son auteur, Pierre Sudreau fera une première rencontre qui marquera profondément son existence en devenant le correspondant d'Antoine de Saint Exupéry. « Il venait, avec l'autorisation de ma mère, me chercher le jeudi, il m'invitait à déjeuner en me racontant de histoires, et quel malheur je n'ai pas gardé les nappes de papier sur lesquelles il dessinait, notamment les prémices du Petit Prince. »... en s'inspirant de ce jeune pensionnaire vêtu d'une vaste écharpe.

Licencié en droit et en lettres, la débâcle de l'armée française l'atteint à Bordeaux-Mérignac où il est élève aviateur de l'École de l'Air. Souhaitant poursuivre le combat, il ne peut pour raisons familiales quitter la France pour rejoindre l'Angleterre. Il est alors mobilisé dans l'armée d'armistice comme officier de l'armée de l'air et dès la fin 1940 commence à dissimuler des armes.

Sa volonté de poursuivre la lutte l'amène à prendre contact avec André Boyer, chef du réseau Brutus. Ce réseau créé en octobre 1940, a la particularité de réunir des hommes de droite comme le colonel Fourcaud, son fondateur, et des gens de gauche comme Gaston Defferre. Fin 1942, Pierre Sudreau devient chef du réseau Brutus  pour toute la zone occupée. Il travaille également avec Louis Armand qui avec la mise en place du plan vert, participe à la réussite du débarquement de Normandie. Arrêté à 24 ans, le 10 novembre 1943, il est déporté au camp de Buchenwald où il échappe à la pendaison par miracle.

À son retour, il est reçu, dès le 5 mai, par le général de Gaulle avec les premiers déportés. Cette deuxième rencontre orientera sa  carrière.

« Ayant été rapidement rapatrié grâce à la vigilance d'amis de l'Armée de l'Air venus me chercher à Buchenwald, j'eus la chance insigne d'être reçu par le général de Gaulle au début du mois de mai 1945, avec une dizaine de déportés de la Résistance  dont Claude Bourdet, au siège du Gouvernement provisoire, rue Saint-Dominique. La scène est sculptée dans ma mémoire. Le Général nous parle et nous félicite d'une voix rauque. Nous étions une dizaine, très intimidés, spectaculaires parce que tondus et très amaigris, flottant dans des vêtements trop grands, au garde-à-vous, profondément impressionnés. Le Général nous a dit quelques mots. Nous l'avons trouvé distant, mais nous avons appris ensuite qu'il était ému ; sous ce masque d'impassibilité, il cachait son émotion. On pense généralement que le général de Gaulle était un homme dur et hautain. Il avait en réalité une très grande sensibilité. Il avait été bouleversé en accueillant les premiers convois de femmes déportées, en avril 1945 - il faut dire que le spectacle de ces femmes décharnées était terrible. La déportation a été pour le Général un choc profond : il n'avait pas mesuré, de Londres, l'intensité de certaines souffrances de la Résistance intérieure.L'audience a été courte et pourtant a orienté toute ma vie. J'apprendrai plus tard, en effet, que le Général s'était étonné de ma présence : " Mais c'est un gosse, il n'a pu être un chef responsable." C'était vrai : je n'avais pas d'âge, la maigreur aidant, je n'avais pas l'air d'avoir plus de dix-huit ans. Ayant pris connaissance de " ma fiche signalétique ", il laissa tomber : " Alors, qu'il serve l'État comme Jean Moulin ", sentence peut-être élogieuse, mais sans appel.(...) Ainsi, je fus " bombardé " sous-préfet hors classe (J.O. du 11 juin 1945) et nommé sous-directeur à l'Intérieur, à la disposition du directeur général de la Sûreté nationale, André Pélabon, qui devint un ami et fut comme un père pour moi. » (Extrait de Pierre Sudreau, Au-delà de toutes les frontières, Odile Jacob, 2002, pp.94-95).

Pierre Sudreau assume donc des responsabilités administratives et politiques. Il occupe de hautes fonctions : directeur général adjoint à la tête du Service de la Documentation extérieure et du contre-espionnage (SDECE) en 1946, directeur de l'administration et des affaires générales de la Sûreté nationale (1947), avant d'être promu à 32 ans préfet du Loir-et-Cher (1951-1955).

Commissaire à la construction et à l'urbanisme pour la région parisienne (1955-58), il initie de grands projets comme l'aménagement de la Défense. Il pose, dès 1956, la première pierre de la voûte du CNIT inauguré par le général de Gaulle en juillet 1958. Il accélère également le percement du premier RER, met en route le « périphérique » à voie rapide et choisit l'emplacement du futur 'aéroport de Roissy.

Il est appelé par le général de Gaulle comme ministre de la Construction, dans le dernier cabinet de la IVe République (1er juin 1958), puis par Michel Debré et Georges Pompidou sous la Ve République. En avril 1962, il devient ministre de l'Éducation nationale et démissionne en octobre en désaccord avec le projet de réforme constitutionnelle.

De 1967 à 1981, il est élu et réélu député de Loir-et-Cher, maire de Blois pendant dix-huit ans (1971-1989), président du Conseil régional du  Centre (1976-1979).

En 1974-1975, à la demande de Valéry Giscard d'Estaing, il préside la commission sur la réforme de l'entreprise. Il signe le célèbre « rapport Sudreau ».

Président de la Fédération des Industries ferroviaires, il est le promoteur du TGV en France.

Dès 1985, avec Jean-Pierre Lévy, Pierre Sudreau, a l'idée de la Fondation de la Résistance.

Ainsi par une lettre du 23 octobre 1987, Pierre Sudreau saisit Marie-Madeleine Fourcade, en sa qualité de présidente du Comité d'Action de la Résistance, de « l'opportunité de créer une sorte de Fondation de la Résistance, dont le but essentiel serait de sauvegarder le souvenir de la lutte contre l'envahisseur entre 1940 et 1945, en rassemblant toutes les associations et amicales sans exclusive d'aucune sorte ».

La Fondation  voit le jour en  1992 et Pierre Sudreau en  devient un des vice-présidents.

Le 14 juin  2006, Pierre Sudreau est élu à l'unanimité président de la Fondation de la Résistance succédant à Jean Mattéoli. Soucieux de représenter la diversité des composantes de la Résistance française au sein de la Fondation de la Résistance (il était par ailleurs co-président de l'ANACR), sa volonté de dépasser les frontières idéologiques contribua à la poursuite du rayonnement de notre institution. En témoignent les opérations mises en œuvre ou achevées durant son mandat : sortie du Dictionnaire historique de la Résistance, campagne de numérisation de la presse clandestine, lancement des journées annuelles de la Fondation de la Résistance, co-organisation de colloques scientifiques... sans parler des efforts menés pour  développer le Concours national de la Résistance et de la Déportation auquel Pierre Sudreau était très attaché et qu'il considérait comme le moyen de transmettre un héritage moral aux jeunes générations et de contribuer à leur formation de futurs citoyens éclairés par les valeurs de la Résistance.

Grand croix de la Légion d'honneur, Pierre Sudreau était titulaire de la croix de guerre 1939-1945, de la médaille de la Résistance avec rosette, commandeur des Palmes académiques et de nombreuses décorations étrangères.

                                                                                             F. Malassis

 

Sauf mention contraire les citations en italiques sont extraites des entretiens de Pierre Sudreau avec François George : Sans se départir de soi. Quelques vérités sans concession (éditions Tirésias, 2004) avec l'aimable autorisation de François George et des éditions Tirésias que nous remercions.