Jean MOULIN (1899-1943)

Ancien préfet ayant rejoint Londres en octobre 1941 pour y rencontrer le général de Gaulle qui en fait son délégué auprès des mouvements de résistance (zone sud) puis lui confie la mission en 1943 de mettre sur pied un Conseil de la Résistance, Jean Moulin a été l’un des grands acteurs de l’unification de la Résistance.

1899-1943

Jean Moulin est né en 1899 à Béziers. Après l’obtention de son bac en 1917, il devient attaché au cabinet du préfet de l’Hérault grâce aux relations de son père, Antonin Moulin, élu local du parti radical. En avril 1918, ayant atteint l’âge d’être mobilisé, il est affecté au 2ème régiment du génie. L’armistice du 11 novembre 1918, lui évite de subir l’épreuve du feu. Au sortir de la guerre, Jean Moulin poursuit sa carrière dans l’administration préfectorale, qui s’accélère du fait de la victoire des radicaux dans le cadre du Cartel des gauches lors des élections de 1924. Il devient à 26 ans le plus jeune sous-préfet de son époque en étant nommé en 1925 sous -préfet d’Albertville (Savoie) où il reste jusqu’en 1930 avant d’exercer ensuite les fonctions de sous-préfet à Châteaulin dans le Finistère (1930-1933) puis Thonon-les-Bains en Haute-Savoie (1933).

En poste à Albertville pour sa première sous-préfecture, Jean Moulin fait la connaissance d’une figure politique montante, Pierre Cot. Lorsque ce dernier devient en 1936 ministre de l’Air au sein du gouvernement Blum, il fait de Jean Moulin son chef de cabinet. Cette fonction  amène Moulin à être plongé au cœur des enjeux nationaux et internationaux alors que les tensions s’aggravent en Europe. Aux côtés de Pierre Cot, il participe à l’aide clandestine en faveur des Républicains espagnols, leur envoyant des avions et pilotes pour lutter contre les forces franquistes soutenues par l’Italie fasciste et l’Allemagne nazie. Après ce passage en cabinet ministériel, Jean Moulin est nommé en janvier 1937, à l’âge de 38 ans, préfet de l’Aveyron. C’est à l’époque le plus jeune préfet de France.

En septembre 1939, lorsque la guerre éclate, Jean Moulin est préfet d’Eure-et-Loir. Il assiste depuis sa préfecture en juin 1940 aux scènes de l’exode et s’efforce de porter secours aux réfugiés. Le 16 juin, lorsque les avant-gardes allemandes pénètrent dans Chartes, Moulin est à son poste. Sommé au soir du 17 juin de se rendre à la Kommandantur, il est séquestré par deux officiers de la Wehrmacht exigeant qu’il signe un protocole où il était relaté que des enfants et des femmes avaient été tués par des soldats africains alors qu’ils étaient en réalité les victimes d’un bombardement allemand. Refusant de signer un texte déshonorant, Moulin tente de se suicider en s’entaillant la gorge avec des débris de vers. Rétabli de ses blessures, Moulin fait le choix de demeurer à son poste, où il pense être le plus utile pour protéger ses administrés. Il est finalement révoqué par Vichy le 2 novembre 1940. Le décret de Philippe Pétain le relevant de ses fonctions spécifie que « tout en étant un fonctionnaire de valeur », il apparaissait comme « trop prisonnier du régime ancien ».

Au cours de ses derniers jours à Chartres, Jean Moulin se fait confectionner des faux papiers aux noms de Joseph Mercier. Il décide de se rendre à Londres pour rencontrer le général de Gaulle, le tester sur ses intentions et lui présenter un tableau de la Résistance en France. L’ancien préfet rejoint la zone sud et s’installe dans la maison familiale de Saint-Andiol où il s’inscrit à la mairie comme cultivateur. Il s’efforce d’établir les contacts avec les premiers noyaux de résistants et rencontre Henri Frenay qui a fondé le Mouvement de libération nationale.

Jean Moulin quitte la France le 9 septembre 1941 via Marseille, arrive à Lisbonne le 12 où il reste un mois avant de pouvoir rejoindre l’Angleterre. Il est reçu le 25 octobre par de Gaulle qui le nomme délégué en zone sud du Comité national français (CNF). Après avoir suivi un entraînement au parachutage et une formation pour coder et décoder des télégrammes, Jean Moulin (« Rex ») est parachuté en Provence le 2 janvier 1942. Sa mission consiste à unifier les mouvements de Résistance en zone sud afin de coordonner leurs actions mais aussi pour faciliter leur ralliement à de Gaulle. Il installe son Quartier Général à Lyon. Il s’efforce de développer les services de la « délégation générale » chargée de développer les liens entre le CNF et la Résistance intérieure et recrute en août 1942 Daniel Cordier pour être son secrétaire.

Jean Moulin entretient des contacts réguliers et parfois difficiles avec les chefs de mouvements de zone sud,  qui tout en se réjouissant de l’aide financière que peut leur apporter Londres, tiennent aussi à leur indépendance. A l’automne 1942, Jean Moulin remporte un premier succès important avec la fusion de l’ensemble des organisations militaires des mouvements de zone sud au sein d’une Armée Secrète (AS), dont la direction est confiée au général Delestraint. En janvier 1943, la création des Mouvements unis de la Résistance (MUR) rassemblant Combat, Libération et Franc-tireur parachève l’unification de la Résistance en zone sud.

Le 12 février 1943, Jean Moulin s’envole pour Londres pour rendre compte au général de Gaulle des résultats de sa mission et prendre de nouvelles instructions. Au cours de ce second séjour londonien, de Gaulle fait son délégué Compagnon de la Libération. Surtout, il confie à Jean Moulin une nouvelle mission : la création d’un Conseil de la Résistance. L’enjeu est fondamental. Depuis que les Alliés ont débarqué au Maroc et en Algérie en novembre 1942, le chef de la France libre est marginalisé. Les Américains lui préfèrent le général Giraud, qui est nommé en janvier 1943 commandant civil et militaire à la tête des territoires d’Afrique du Nord libérés. Mais alors que son rival maintient en Afrique du nord la législation de Vichy, il reste à de Gaulle, qui s’est engagé à restaurer la République à la Libération, le soutien de la Résistance intérieure. Le futur Conseil de la Résistance doit constituer l’instrument capable de renforcer sa légitimité. Pour avoir la représentativité la plus large possible, il associerait les représentants des mouvements mais aussi ceux des partis et des syndicats engagés en Résistance.

Pour réussir sa nouvelle mission, Jean Moulin a désormais le titre de ministre du Comité national, unique représentant de De Gaulle pour toute la France et président du futur Conseil de la Résistance. Il quitte Londres le 20 mars 1943. Grand amateur d’art et dessinateur lui-même, Jean Moulin ouvre une galerie d’art à Nice, la galerie Romanin (son propre pseudonyme d’artiste), qui lui sert de couverture pour sa nouvelle mission. Après d’âpres négociations, Jean Moulin parvient à surmonter les réticences et obstacles pour composer le Conseil de la Résistance qui rassemble in fine huit mouvements de résistance, six partis politiques, deux syndicats et tient sa première réunion le 27 mai 1943 à Paris. A l’unanimité de ses membres, de Gaulle est légitimé comme le seul chef de la France résistante. Il s’agit d’une grande victoire pour Jean Moulin, dont l’ancien préfet n’aura malheureusement guère le temps de profiter. L’étau ne cesse de se resserrer autour de lui alors que les Allemands ont intensifié la répression de la Résistance. Le 9 juin 1943, le général Delestraint, chef de l’Armée Secrète, est arrêté à Paris. Pour désigner son remplaçant , Jean Moulin organise à Caluire, le 21 juin 1943, une réunion avec plusieurs responsables de la Résistance. Une trahison amène les Allemands à en avoir connaissance et à arrêter l’ensemble des participants. Incarcéré au fort de Montluc à Lyon, Jean Moulin est interrogé sous la torture par le chef de la Gestapo, Klaus Barbie. Sans avoir parlé, il meurt des suites de ses tortures, probablement le 8 juillet 1943, en gare de Metz, lors d’un transfert vers l’Allemagne.

Ses cendres présumées, jusqu’alors déposées au Père Lachaise, ont été transférées au Panthéon le 19 décembre 1964.

Fabrice Grenard

Bibliographie

Azéma (Jean-Pierre), Jean Moulin, le politique, le rebelle, le résistant, Paris, Perrin, 2003 (réédition Tempus 2006).

Cordier (Daniel), Jean Moulin, La République des catacombes, Paris, Gallimard, 1999.

Cordier (Danier), Jean Moulin, l’inconnu du panthéon, 3 volumes, Paris, Jean-Claude Lattès, 1989-1993.

Grenard (Fabrice), Jean Moulin, le héros de la Résistance, Plon, 2023 (réédition Tallandier, Texto, 2025).