Autour d’une photographie

Si de nombreux événements militaires et civils de la Seconde Guerre mondiale ont été largement couverts par les photographes professionnels et amateurs, il existe trés peu de clichés authentiques pris durant la période clandestine de la Résistance française.

De par la nature secréte de leur activité et pour des questions évidentes de sécurité, les résistants ne souhaitaient pas s’encombrer de photographies qui auraient pu devenir autant de preuves compromettantes en cas d’arrestation.

Cependant, aussi rares soient-ils ces documents existent. 
Leurs origines sont trés diverses. Il peut s’agir :

  • de photographies représentant l’arrestation ou exécution de résistants récupérées sur des prisonniers allemands ou tirées en double par des photographes à qui ces travaux avaient été confiés (voir dans cette rubrique l’historique de la célébre photo dite du « fusillé souriant « )
  • de clichés pris clandestinement par des photographes professionnels (voir ci-dessous la manifestation de Romans)
  • de vues prises par des amateurs souvent résistants eux-mêmes

Le point commun de tous ces clichés aux origines et motivations si variées est leur rareté. D’où leur reprise dans de nombreuses publications, souvent assortie d’informations approximatives sur leur origine ou sur le sens de l’événement décrit…
Inversement au moment de la Libération les photographes professionnels (notamment ceux des différents services photographiques des armées alliées) vont suivre le sillage des unités combattantes et les reportages sur la Résistance vont se multiplier. Ils réaliseront, par ailleurs, de nombreuses photographies de reconstitution pour combler l’absence de document d’époque (impression et diffusion de la presse clandestine, sabotage de voie ferrées …).

Dans cette rubrique, nous tentons d’apporter le maximum de précisions sur ces clichés si précieux en faisant appel aux témoignages de leurs auteurs et des acteurs figurant sur ceux-ci, aux avis d’iconographes, mais aussi à tous les internautes dont les informations pourront complèter nos historiques.

Nos commentaires

Frantz MALASSIS

Photographies de la manifestation patriotique du 28 mars 1941 à Marseille

Photographie prise clandestinement par M. Roger Clapier Le 25 mars 1941, la Yougoslavie contrainte et forcée signe le pacte tripartite et rejoins l’Axe. Deux jours plus tard, un coup d’état militaire renverse la situation, le régent Paul est remplacé par le jeune Pierre II et  le général Simovitch se voit confier le gouvernement favorable aux intérêts alliés. Le 28, dans tout le pays des manifestations hostiles aux Allemands et aux Italiens se multiplient.En signe de soutien au roi Pierre II de Yougoslavie, des étudiants et lycéens marseillais décident d’organiser une manifestation hostile à l’Axe, la première du genre à Marseille. À cette occasion, un étudiant M. Roger Clapier, l’un des organisateurs de cette manifestation eut l’idée de prendre des photographies. Grâce à lui nous pouvons publier ces clichés inédits et retracer leur histoire. Dès la rentrée universitaire 1940-1941, spontanément un petit groupe d’étudiants marseillais, répondant à l’Appel du général de Gaulle, se constitue. Ils prennent l’habitude de se retrouver à l’Association générale des étudiants de Marseille pour discuter des modes d’action à mettre en oeuvre. Rapidement, ils prennent la décision de rédiger et diffuser des tracts et des papillons patriotiques qui bientôt fleurissent sur les portes d’immeubles et les panneaux de signalisation de la cité phocéenne (1). Le 27 mars 1941, inspiré par la manifestation des étudiants du 11 novembre 1940 à Paris et face aux événements yougoslaves, ce groupe informel décide de « faire quelque chose » et l’idée d’organiser une manifestation sur la voie publique, en soutien au roi Pierre II de Yougoslavie, voit le jour, d’autant plus qu’existe à Marseille un monument à la mémoire d’Alexandre Ier de Yougoslavie et que la ville a toujours eu des relations particulières avec les Balkans (2). Rappelons, en effet, que le 9 octobre 1934, Alexandre Ier de Yougoslavie a été assassiné par un Oustachi, place de la Bourse (actuellement place Charles de Gaulle) lors d’une visite officielle en France ainsi que Louis Barthou, ministre des Affaires étrangères, venu l’accueillir à Marseille. Une plaque de bronze a été rapidement inaugurée pour indiquer l’endroit de cet attentat tandis qu’un monument plus imposant a été érigé dans les jardins de la préfecture à l’angle de la rue de Rome et du boulevard Salvator. La décision de fleurir ce monument et cette plaque est prise par ce groupe d’étudiants tout comme le fait d’y associer les lycéens et les collégiens et de la ville. Roger Clapier ...

Frantz Malassis

L’histoire de la photographie du groupe PIAT du maquis Bernard dans le Morvan d’après les souvenirs d’Hubert Cloix.

Frantz Malassis Photographie n°1. Septembre 1944, dans le Morvan (Nièvre). Coll. Hubert Cloix. Photographie n°1 Septembre 1944, dans le Morvan (Nièvre).À côté des armes individuelles communément parachutées (pistolet-mitrailleur Sten MKII, fusil Lee Enfield n°4), ce groupe de maquisards du maquis Bernard  est doté, chose exceptionnelle, d’une arme antichar anglaise (un PIAT),  qui lui offre un atout non négligeable lors de l’attaque de convois allemands. Coll. Hubert Cloix Photographie n°2 Samedi 8 octobre 2011 au  Musée de la Résistance en Morvan à Saint-Brisson (Nièvre), dans le cadre des journées annuelles de la Fondation de la Résistance, Hubert Cloix, ancien maquisard du maquis Bernard, retrace l’histoire du groupe PIAT de la compagnie André devant la photographie évoquant ce groupe. Photo Frantz Malassis Le Projector Infantry Anti Tank, dénommé en abrégé PIAT, est une arme portative antichar en dotation dans les troupes britanniques à partir du 30 avril 1943. Plus de 1 200 exemplaires de cette arme ont  également été parachutés en France à destination de la Résistance (1). Le mode de propulsion de la roquette antichar au moyen d’une tige poussée par un ressort puissant relayant l’action propulsive d’une cartouche spéciale placée à l’arrière du projectile rendait son tir silencieux et peu repérable par l’ennemi car n’émettant pas de flamme ni de fumée. Cependant, ce mode de propulsion originale rendait le rechargement de cette arme long (2), avec une cadence de tir de  deux coups par minute, et difficile, puisqu’une  force de traction de 90 kg était nécessaire  pour comprimer  le ressort. Quoiqu’il en soit, cette arme redoutable contre les blindages (3) car utilisant une munition à « charge creuse » (4) apportait un atout non négligeable aux maquisards qui en étaient dotés notamment lors de l’attaque de convois allemands. La constitution et l’instruction du groupe PIAT En juillet 1944, des SAS (5) hébergés au camp du maquis Bernard (6) dans la forêt d’Ouroux-en-Morvan (à l’est de la Nièvre), reçoivent un PIAT lors d’un parachutage. Les SAS affectent immédiatement cette arme à la compagnie André (7) de ce maquis morvandiaux qui forme en ces rangs un groupe PIAT comprenant : un chef de pièce (Hubert Cloix), un tireur (Raymond Bletti), un chargeur (Albert Perrier) et deux accompagnateurs (Jean Saillet et Flavilli). Un SAS sert d’instructeur à ces maquisards qui ne connaissent rien au maniement de cette nouvelle arme. L’instruction est des plus sommaires et se déroule entre Montsauche et Ouroux-en-Morvan dans un champ de tir improvisé avec un cairn (8) ...