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Jean MATTEOLI


(1922-2008)
Réseau Navarre
Bureau des Opérations Aériennes


Né le 20 décembre 1922 à Montchanin, près du Creusot (Saône-et-Loire), Jean Mattéoli n’a pas dix huit ans lorsqu’à l’été 1940, refusant l’Occupation allemande, il s’engage dans la Résistance. Il rejoint alors un groupe de résistants dijonnais qui aide les prisonniers de guerre français et anglais évadés à échapper aux recherches de l’ennemi et à poursuivre le combat en rejoignant l’Angleterre.

Rapidement, tout en poursuivant ses études de droit à la faculté de Dijon, il est chargé de leur fournir tous les faux papiers nécessaires avant de leur faire franchir la ligne de démarcation. Sa tâche de faussaire lui est facilitée par le préfet Chevreux qui, au courant de ses activités, crée pour lui, en octobre 1940, un poste de « rédacteur à titre provisoire » à la préfecture de la Côte-d’Or. Les besoins de la Résistance grandissant, il organise et se trouve à la tête d’une véritable officine de faux papiers qui fournit cartes d’identité, feuilles de démobilisation, carte de ravitaillement, laissez passer … Les demandes sont telles qu’il finit même par fournir les documents vierges et de faux tampons à d’autres équipes. Cependant, il n’a de cesse de multiplier et de diversifier ses activités. De par son emploi à la préfecture, où il peut recueillir de nombreux renseignements utiles à la Résistance, il est recruté par le réseau « Navarre » et en 1942 devient membre du Bureau des Opérations aériennes pour la région D (Bourgogne-Franche-Comté). Il en profite aussi pour saboter les départs en Allemagne de jeunes ouvriers requis dans le cadre du STO en dirigeant des centaines de jeunes réfractaires vers les maquis de la région. La répression allemande s’abat jusque dans son entourage le plus proche.

Jean Mattéoli sait le danger imminent mais poursuit néanmoins son action jusqu’au 7 avril 1944 où il est à son tour arrêté et interrogé par la Gestapo. Incarcéré à la prison de Dijon, il est transféré au camp de Compiègne. Le 4 juin 1944, il est déporté par l’un de ces convois de wagons de marchandises qui roulent interminablement jusqu’en Allemagne. « Nous étions plus d’une centaine, comprimés, entassés, sans pouvoir nous coucher ni même nous accroupir ou nous asseoir. Le jour tombait pour la troisième fois. Nous n’avions rien à manger, rien à boire. Nous délirions de soif. (…) J’étais serré contre la paroi. Sur ma joue, je ressentais comme une fraîcheur. Contre un montant de métal, perlaient quelques gouttes d’eau. J’y appliquais ma langue et me mis à la lécher longuement, cette paroi où naissait sans cesse une nouvelle humidité. Dans un apaisement heureux, je me laissai glisser jusqu’à ce que mes épaules touchent le sol, le bassin et les jambes dressés contre la paroi et je m’endormis au-delà de la terre, dans le repos » (1).

Le 7 juin 1944, il arrive enfin au camp de concentration de Neuengamme non loin de Hamburg où il reçoit le matricule 33 265. Après un séjour de quarantaine, il est transféré à Misburg, Kommando au service des entreprises de raffinerie Deurag où jusqu’en mars 1945 il se livre à des actions de sabotage de la machine de guerre nazie. La fin de la guerre approche, les Alliés convergent de partout en Allemagne. Devant cette situation, les nazis évacuent les camps les uns après les autres. Ils poussent sur les routes les déportés survivants dans un exode absurde et meurtrier afin qu’ils ne tombent dans les mains des troupes alliées.

Jean Mattéoli échoue alors au camp de Bergen-Belsen, vaste lieu d’agonie où s’entassent, dans le chaos final du système concentrationnaire, des milliers de déportés. Jean Mattéoli très affaibli par le typhus est libéré par un détachement britannique le 15 avril 1945. Dans un de ses témoignages il évoque cette journée. « C’est un jour comme les autres à Bergen-Belsen. Parfois une sorte de frémissement fait osciller la masse informe des déportés étendus sur le sol, épuisés de faim, de soif et de fatigue, faibles au point de ne pouvoir se lever ni même s'asseoir. (…) Parfois des têtes se lèvent lentement pour s’abaisser à nouveau lentement ; nous sommes si fatigués. Pourtant il se passe aujourd’hui quelque chose : des soupirs, des mots à peine balbutiés. Des hommes en uniforme s’avancent. Avec quelque peine je les distingue maintenant : ce sont des Anglais. Il n’y a pas cependant de signes d’enthousiasme, pas de cris de joie, nous sommes si fatigués. Les soldats avancent, ils paraissent hagards. Ils ne peuvent pas croire ce qu’ils voient. Ils viennent de pénétrer dans l’horreur des cadavres entassés, des monceaux de cadavres entassés, des monceaux de cadavres qui se succèdent jusqu’au bout du camp, là-bas, très loin où sont les fosses communes. (…) Sur les cadavres décharnés qui gisent à travers le camp s’appuient, allongés, à moitié morts déjà, ceux qui comme moi savent qu’ils vont bientôt mourir ».(2)

Après plusieurs semaines de soins, Jean Mattéoli est rapatrié le 30 mai 1945. Dès lors, il entame une carrière dans la haute administration. En septembre 1945, il se met au service du commissaire de la République de Bourgogne et Franche-Comté puis, l’année suivante, il est nommé chargé de mission pour les questions économiques et financières au cabinet de l’administrateur général de la zone française d’occupation en Allemagne, Émile Laffon, qu’il suit lorsque ce dernier prend ses fonctions de président des Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais en 1948. Jean Mattéoli démarre une carrière dans cette entreprise dont il dirige le service des relations extérieures avant d’être secrétaire général du conseil d’administration de 1957 à 1968. Puis, en octobre 1968, sa large connaissance des problèmes économiques de cette région, amène le Gouvernement à le nommer commissaire à la conversion industrielle de la région Nord –Pas-de-Calais et en 1973, président des Charbonnages de France.

Dans ces différents postes, Jean Mattéoli doit négocier en permanence avec les organisations syndicales notamment lors des délicates opérations de réduction des emplois et de reconversion professionnelle liées à la crise du charbon en France. En 1979, il est appelé dans le Gouvernement par Raymond Barre pour y occuper le poste de ministre du Travail et de la Participation, portefeuille qu’il détient jusqu’à l’arrivée de François Mitterrand à la présidence de la République.

Devenu en 1983, adjoint au maire de Paris et conseiller régional d’Ile-de-France, il abandonne ces fonctions à la suite de son élection à la présidence du Conseil économique et social, en avril 1987. Il est réélu président de cette assemblée jusqu’en septembre 1999 et en devient le président d’honneur à partir de cette date. Étant reconnu par les partenaires sociaux comme un homme de dialogue, en décembre 1995, le Premier ministre Alain Juppé le nomme médiateur dans le conflit qui oppose les cheminots au Gouvernement. En février 1997, ce même Premier ministre, lui confie la présidence de la mission d’étude sur la spoliation des biens des juifs de France.

Sa brillante carrière ne lui fait pas pour autant oublier ses camarades de Résistance et de Déportation. Adhérant très tôt à Fédération nationale des Déportés et Internés de la Résistance (FNDIR) dont il anime une section dans le Nord, il en devient le président en décembre 1987, succédant ainsi à son ami Roland Teyssandier, fonction qu’il exerce jusqu’en janvier 1993 pour en être le président d’honneur. En effet, cette même année, toujours attaché à perpétuer la mémoire et les valeurs de la Résistance, il participe à la création de la Fondation de la Résistance dont il assume la présidence jusqu’en 2006.

Il donne ainsi à la Fondation ses premières orientations et grâce à sa personnalité contribue à son rayonnement. Membre du Conseil de l’ordre national de la Légion d’honneur (depuis 1996) et membre du Haut Conseil de la Mémoire combattante (depuis 1997), Jean Mattéoli s’est éteint le 27 janvier 2008 et a reçu les honneurs militaires dans l’Hôtel national des Invalides.

Grand’croix de la Légion d’honneur, commandeur des Palmes académiques, son action dans la Résistance lui a valu de nombreuses distinctions. Il s’est vu attribué entre autres : la croix de guerre 1939-1945 avec trois citations dont deux à l’ordre de l’armée, la médaille de la Résistance et diverses décorations étrangères.

Frantz Malassis

(1) témoignage de Jean Mattéoli paru dans le Figaro du 13 février 1995 et repris dans Le Déporté (bimestriel de l’UNADIF-FNDIR) n°493 d’avril 1995 (pp.50-51) sous le titre « Bergen-Belsen ».

(2) article « Le retour » par Jean Mattéoli in Voix et Visages (bimestriel de l’ADIR) n°244 de mars-avril 1995 (pp. 8-10)