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François PERROT


1921-2016
Jardins du Luxembourg à Paris, le 5 mai 2011. François Perrot présidait la cérémonie d'hommage aux étudiants résistants fusillés par les nazis organisée par Mémoire et Espoirs de la Résistance.Photo Marc Fineltin
Jardins du Luxembourg à Paris, le 5 mai 2011. François Perrot présidait la cérémonie d'hommage aux étudiants résistants fusillés par les nazis organisée par Mémoire et Espoirs de la Résistance.Photo Marc Fineltin

Né le 29 novembre 1921 à Strasbourg, François Perrot est élevé dans une famille franc-comtoise patriote marquée par la Grande Guerre. En 1938, par ses nombreuses lectures dont Mein Kampf, ce jeune lycéen parisien a une conscience aigüe de la réalité et du danger du nazisme. Durant l'exode de 1940, la famille Perrot se réfugie à Laburgade ; c'est dans ce village du Lot qu'il entend par hasard, le 18 juin 1940, l'appel du général de Gaulle. 

Un patriotisme éclairé

 Refusant immédiatement la défaite et l'Occupation, il est déterminé à s'engager, quitte à arrêter ses études. Face à cette attitude et par crainte de ses réactions instinctives à l'égard des Allemands, ses parents rentrent  à Paris avec leurs filles et confient François à des amis installés dans les Alpes. Mais, dès octobre 1940, il forme dans son lycée de Gap (Hautes-Alpes)  un premier noyau de résistance qui prendra bientôt le nom de « maillon d'Ornano », en hommage au lieutenant-colonel FFL Jean Colonna d'Ornano tué à Mourzouk (Tchad) en janvier 1941. Ce premier groupe se livre à des actions de propagande en réalisant des papillons collés sur les murs de Gap. Le 25 mars 1941, alors qu'il tente avec trois de ses camarades de rejoindre les Forces françaises libres, il est arrêté par la police française à Marseille. Rapidement libéré, il est renvoyé du lycée de Gap et doit rentrer à Paris auprès de sa famille. Ce premier coup de semonce ne le fera pas renoncer pour autant à poursuivre son action clandestine contre l'occupant. À Paris, au sein du lycée Henri IV, François Perrot prend contact avec le Front national étudiant (FNE). Son père étant nommé conservateur des Eaux et Forêts à Bar-le-Duc (Meuse), ses parents laissent l'appartement familial parisien  à François Perrot et à sa sœur elle-même membre de la section FNE au lycée Fénélon. Bientôt le dit appartement se transforme en lieu de réunions et de refuge pour des résistants.

Le temps des épreuves

 En mars 1943, son chef dans la Résistance lui demande d'héberger à son domicile deux personnes en instance de départ pour le maquis mais qui s'avèreront être des agents infiltrés. C'est ainsi que  le 19 mars 1943, il est arrêté par la Gestapo en même temps que sa sœur. D'abord interné rue des Saussaies puis écroué à la prison de Fresnes, il est ensuite interné Royallieu près de Compiègne d'où il est déporté vers le camp de Buchenwald le 17 septembre 1943. Devenu le déporté 21 189, après la quarantaine il est  affecté le 9 octobre 1943 au kommando de Berlstedt  où il travaille dans une briqueterie.

En avril 1945, cernés par l'avance des Alliés qui convergent vers le centre du Reich, les SS jettent sur les routes et dans des trains les déportés lors d'évacuations meurtrières. François Perrot et ses camarades sont  alors ramenés  au camp de Buchenwald le 4 avril 1945. Deux jours plus tard, fuyant l'avancée américaine, les nazis les évacuent en direction de l'Est dans des wagons de marchandises découverts, sans vivre et sans eau. L'errance de ce train s'achève à Tachov (Tachau en allemand, dans l'actuelle République tchèque). De là les SS leur font poursuivre cette « marche de la mort » à pied. Le 14 avril 1945, François Perrot arrive avec les survivants au camp de Flossenbürg. La halte sera de courte durée puisque le 20 avril 1945, ce camp est à son tour évacué. Très affaibli, il est contraint à une deuxième « marche de la mort » qui doit le mener vers le Sud en direction de Dachau. Devant parcourir 30 kilomètres par jour, ces colonnes de déportés hagards errent dans le chaos d'une Allemagne en déroute laissant derrière elles les cadavres de leurs camarades abattus par les SS. « Des coups de feu retentissaient tout au long de la colonne annonçant la mort de tous ceux qui n'en pouvaient plus et qui rendaient l'âme quelques jours ou quelques heures avant la libération. Il nous fallait bander toute notre énergie, faire appel à nos dernières forces physiques et morales pour marcher, marcher encore.» (1)

Le 23 avril 1945, François Perrot est libéré par une colonne blindée de la 11e division de l'armée de Patton à Untertraubenbach près de la ville de Cham (Land de Bavière). Soigné dans le 120th Evacuation Hospital à Cham, il est alors  rapatrié en France le 16 mai en passant par le centre de l'abbaye Saint-Clément à Metz.

Après sa déportation, François Perrot fait partie pendant deux ans des Forces françaises d'occupation en Allemagne. À son retour en France, il débute une longue carrière au sein du Commissariat à l'Énergie Atomique (CEA) dont il sera le chef du service des relations internationales.

Le combat pour la mémoire

S'inquiétant de l'émergence des « négateurs de l'histoire », François Perrot assuma de nombreuses responsabilités au sein d'associations défendant la mémoire et les droits de ses camarades de Résistance et de Déportation. Membre du Comité d'Action de la Résistance (CAR), vice-président de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation, président de l'Union nationale des associations de déportés, internés et familles de disparus (UNADIF) de 1994 à 2012 et de la Fédération nationale des déportés et internés de la Résistance (FNDIR) depuis 2012, François Perrot était administrateur de la Fondation de la Résistance depuis 2008. Il a été également vice-président de l'Office national des Anciens combattants et Victimes de guerre (ONACVG).

Très attaché au Concours national de la Résistance et de la Déportation pour ses vertus civiques, il intervenait régulièrement dans les établissements scolaires et était très actif au sein du jury départemental des Hauts-de-Seine. Tous ceux qui l'ont approché se souviennent de lui comme d'un homme de conviction, d'une grande simplicité et humilité.

Grand officier de la Légion d'honneur, titulaire de la Médaille militaire et de la croix de guerre 1939-1945, François Perrot s'est éteint à Paris le 13 octobre 2016.

Le 18 octobre dernier, dans la cour d'honneur de l'Hôtel national des Invalides, lors de la cérémonie où lui furent rendus les honneurs militaires, Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État auprès du ministre de la Défense chargé des Anciens combattants et de la Mémoire  acheva son hommage par ces mots résonnant comme un serment : « François Perrot nous livre en ultime cadeau le témoignage de sa vie, œuvre de transmission. Car celui qui lit ou entend son témoignage, devient témoin à son tour, avec ce besoin impérieux de raconter et de transmettre ».

                                                                                                          Frantz Malassis

 

 

(1)  Cf. Leçons de ténèbres. Résistants et déportés, ouvrage dirigé par Jean Manson, Paris, UNADIF-FNDIR, Plon, 1995, p. 216.

 

Sources :

-  François Perrot, La Route de Romain de « Sciences Po » à Buchenwald, Paris, Lavauzelle, 2015.

- Livre mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression et dans certains cas par mesure de persécution 1940-1945, Paris, Fondation pour la Mémoire de la Déportation, éditions Tirésias, 2004, tome I, p. 1 142.

- Parcours de Résistants, volume 7 (Les Résistants Déportés). DVD vidéo édité par Mémoire et Espoirs de la Résistance, 1h47.

- Philippe-Jean Catinchi, « François Perrot, résistant », Le Monde, jeudi 20 octobre 2016.