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Le réseau d'évasion du groupe Ponzan. Anarchistes dans la guerre secrète contre le franquisme et le nazisme (1936-1944)


Antonio Tellez Zola
Toulouse, Edition du Coquelicot, 2008, 407 pages

Le nom de Francisco Ponzan Vidal, républicain espagnol de la mouvance anarchiste, n'est certes pas inconnu de ceux qui s'intéressent à la résistance dans le sud-ouest de la France. Grâce aux livres de Louis Nouveau et d'Emilienne Eychenne, notamment, on sait que c'est grâce à son groupe que les centaines de militaires alliés secourus par le réseau Pat O'Leary franchirent les Pyrénées. Mais l'ouvrage de l'historien du mouvement libertaire espagnol (publié à titre posthume) est le premier à offrir un portrait complet de cette figure saisissante et de son engagement incessant, depuis la guerre d'Espagne jusqu'à sa mort en France, le 17 août 1944, exécuté par les Allemands à la veille de leur départ de Toulouse.

Né en 1911 dans une famille de six enfants , fils d'un employé des chemins de fer tôt emporté par la maladie, F. Ponzan Vidal est élevé par sa mère à Huesca (Aragon). Dès ses études d'instituteur à l'Ecole normale (entre 14 et 18 ans), influencé par un de ses professeurs il adhère à la CNT (Confédération national du Travail) anarchiste. Son activisme lui vaut d'effectuer de nombreux séjours en prison dans les années suivantes. Sur la période qui suit le soulèvement franquiste, l'auteur, ancien militant libertaire lui-même, relate les conflits multiples entre anarchistes et communistes espagnols avec un parti pris qu'il ne cache pas mais qui  relègue au second plan le rôle de Ponzan. On retrouve celui-ci en août 1937, au moment où il intègre le « Service d'intelligence spéciale périphérique » des colonnes confédérales de la CNT sur le front d'Aragon. Pendant un an et demi, il effectue des missions très dangereuses derrière les lignes ennemies (espionnage et exfiltration de camarades bloqués dans la zone nationaliste), d'abord dans sa province d'Huesca puis, après un premier repli en France quand celle-ci est conquise (avril 1938), en Catalogne.  En février 1939, il se replie en France avec ses hommes. Interné au camp du Vernet, en Ariège, il est rapidement chargé par le Conseil général du mouvement libertaire espagnol, constitué à Paris, d'essayer de secourir les camarades restés en Espagne. Aidé par un garagiste communiste de Varilhes, Jean Bénazet, Ponzan organise à partir de  mai 1939 la sortie du Vernet des hommes chargés de retourner en Espagne, effectue lui-même de nombreuses sorties pour trouver des guides, des refuges pour les futurs évadés, avant de quitter définitivement le camp en août 1939. Dès l'hiver 1939-40, pour financer ses propres activités anti-franquistes en Espagne (sauvetage et propagande),  Ponzan accepte de collaborer avec les services du Military Intelligence britannique qui cherchent à reprendre pied en Espagne pour y contrecarrer les menées pro-nazies. En mai 1940, il franchit la frontière mais, blessé, se cache pour se soigner et revient en France en septembre.

Aux lendemains de l'armistice, le groupe de Ponzan est donc d'ores et déjà doté d'atouts exceptionnels pour tous ceux qui cherchent à créer des filières d'évasion par les Pyrénées. Ils n'échappent pas aux services du contre-espionnage de l'armée d'armistice, avec qui Ponzan passe un marché subtil, acceptant leur protection contre des renseignements sur...ses autres « partenaires ».  Les professionnels français du TR 117 semblent ne pas avoir été trop exigeants et Ponzan put travailler ensuite pour les Britanniques (Pat O'Leary) et les Belges (réseau Sabot) sans que cette situation scabreuse ne le compromette aux yeux d'aucun service allié. En revanche, son travail avec les services alliés, initiative personnelle, fut désapprouvé par une partie du mouvement libertaire espagnol. 

Ses activités multiples ne pouvaient que  faire courir les plus grands dangers à celui que l'Abwehr considérait comme « l'agent n°1 des Anglais » à la frontière espagnole.. Arrêté une première fois le  14 octobre 1942 par la police française et à nouveau interné au Vernet, Ponzan en sort grâce à ses protecteurs du TR 117 le 22 décembre suivant. Trois jours plus tard, il fête Noël dans les caves de l'Hôtel de Paris, à Toulouse, avec ses camarades et un futur « évadé », le général Cochet, qui écoute imperturbablement ses guides chanter l'hymne anarchiste... Mais reconnu par un policier dans une rue de Toulouse le 28 avril 1943, Ponzan passe à deux reprises devant le tribunal correctionnel, la dernière fois le 5 juin 1944. Le lendemain, les Allemands viennent le chercher, munis de l'autorisation de l'intentant régional de police Marty. C'est au moment de la libération de Toulouse que sa sœur Pilar apprendra qu'il faisait partie des détenus extraits de la prison quelques jours auparavant et assassinés à Buzet-sur-Tarn.

Bruno   Leroux