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Madeleine BAROT


(résistance de sauvetage. Cimade)
1909-1995
Madeleine Barot, après la Libération, dans les locaux de la Cimade.
(Photographie extraite de © Poujol (Jacques), Protestants dans la France en guerre. 1939-1945, Les éditions de Paris. Max Chaleil, 2000, p. 200.)
Madeleine Barot, après la Libération, dans les locaux de la Cimade.
(Photographie extraite de © Poujol (Jacques), Protestants dans la France en guerre. 1939-1945, Les éditions de Paris. Max Chaleil, 2000, p. 200.)


Figure marquante de ce que l'on appelle la " Résistance humanitaire ", Madeleine Barot a participé activement, pendant la Seconde Guerre mondiale, à l'amélioration des conditions de vie dans les camps d'internement du Sud de la France (Gurs, Rivesaltes, Récébédou) et, à partir de 1942, au sauvetage de centaines de juifs persécutés.

Issue d'un milieu protestant, elle a d'abord été, dans l'entre-deux-guerres, une militante active de la Fédération universelle des étudiants chrétiens. Etudiante en histoire à la Sorbonne puis archiviste à l'Ecole française de Rome, elle est amenée à connaître très tôt la nature du régime fasciste, côtoyant par ailleurs des membres de l'Eglise confessante allemande, protestants qui se sont opposés à partir de 1934 à l'idéologie nazie.

Au moment de la défaite de 1940, résidant toujours à Rome, Madeleine Barot est rapatriée en France ; elle devient alors Secrétaire générale de la CIMADE (Comité Inter-Mouvements Auprès des Evacués). Cet organisme a été créé en septembre 1939 par un ensemble de mouvements de jeunesse protestants pour venir en aide aux Alsaciens et aux Mosellans évacués dans les départements de la Haute-Vienne et de la Dordogne. Cette aide apportée par la CIMADE s'est rapidement étendue aux étrangers réfugiés en France, dont un bon nombre d'exilés allemands ou autrichiens ayant fui les persécutions antisémites de l'Allemagne nazie. En 1939, considérés comme appartenant à une nation ennemie, ils ont été internés par le gouvernement français dans des camps d'internement implantés pour l'essentiel dans le sud de la France. Regroupés dans des baraques très peu chauffées, les internés vivent dans des conditions particulièrement difficiles, l'alimentation est déficiente, la mortalité importante.

Après la défaite, c'est donc au camp d'internement de Gurs, qui doit faire face en octobre 1941 à une augmentation considérable de sa population par l'arrivée de 6500 personnes juives (hommes, femmes et enfants) expulsées des régions allemandes du Palatinat et de Bade, que Madeleine Barot organise les activités humanitaires de la CIMADE. La CIMADE étend ses activités caritatives dans d'autres camps, tels ceux de Rivesaltes et de Récébédou. Les membres de la CIMADE y développent un véritable esprit de solidarité avec les internés, partageant parfois leur vie.

Confrontée à la détresse de l'internement et aux conséquences humaines dramatiques des persécutions antisémites de Vichy et de l'occupant, Madeleine Barot prend l'initiative avec Visser't Hooft, Secrétaire général du Conseil oecuménique, de réunir en septembre 1941 et septembre 1942 des pasteurs protestants à Pomeyrol (Bouches-du-Rhône), afin d'élaborer un ensemble de textes portant sur l'engagement des chrétiens en temps de guerre. Les " thèses de Pomeyrol " rejettent ouvertement le régime de Vichy, le totalitarisme et condamnent le statut des juifs mis en place par Vichy en octobre 1940 et juin 1941.

Parallèlement, Madeleine Barot poursuit sans relâche les oeuvres caritatives au sein de la CIMADE ; l'organisme élargit ses activités et ouvre progressivement des centres d'accueil destinés aux internés. Des vieillards, des femmes et des enfants sont hébergés dans ces centres d'accueil, dont le plus célèbre s'appelle Le Coteau Fleuri, situé au village du Chambon-sur-Lignon, en Haute-Loire. D'autorisée (les anciens internés devaient rester sous surveillance policière), les actions de la CIMADE deviennent peu à peu semi-clandestines, puis complètement clandestines à partir de l'été 1942, dès lors qu'il a fallu faire face aux grandes rafles antisémites et aux déportations des camps du Sud vers Drancy. Pour soutenir financièrement ces quelques refuges et maisons d'accueil, pour la plupart situés dans les régions semi-montagneuses qui entourent la vallée du Rhône, mais aussi pour créer des filières d'évasion, Madeleine Barot multiple les voyages en Suisse. Les actions clandestines annexes se diversifient aussi : fabrication de fausses cartes d'identité et d'alimentation, aide aux résistants et aux clandestins, etc. C'est au nom de cette conception de l'aide humanitaire qu'à la Libération Madeleine Barot accepta " d'aller travailler dans les camps de "collaborateurs", à Drancy, à Mauzac, à Poitiers, à Ecrouves, à Noé, au risque d'être mal compris de nos amis de la veille. Pour qui se veut intégré à la réalité du monde et à son service, ces risques sont inévitables. " (in Les clandestins de Dieu, op. cit., p. 38)

En 1988 le Mémorial de Yad Vashem lui décerne le statut de " Juste ", créé pour honorer les personnes, connues et moins connues, qui ont participé pendant la guerre un peu partout en Europe, parfois sans en avoir pleinement conscience, au sauvetage de quelques milliers de Juifs persécutés (1). Madeleine Barrot est décédée en 1995.

(1) Information aimablement fournie par le Dr Mordecai Paldiel du mémorial de Yad Vashem.

Bibliographie

• POUJOL (Jacques), Protestants dans la France en guerre. 1939-1945. Dictionnaire thématique et biographique, Paris, Les Editions de Paris, 2000, 301 pages.
• KEDWARD (H. R.), Naissance de la Résistance dans la France de Vichy. Idées et motivations. 1940-1942, Seyssel, Champ Vallon, 1989, 339 pages.
• MONTCLOS (Xavier de ), LUIRARD (Monique), DELPECH (François), BOLLE (Pierre) [s. d.], Eglises et chrétiens dans la Seconde Guerre mondiale. La région Rhône-Alpes, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1978, 383 pages.
• JOUTARD (Philippe), POUJOL (Jacques) et CABANEL (Patrick), Cévennes, terre de refuge. 1940-1944, Montpellier, Presses du Languedoc/Club Cévenol, 1987, 359 pages.
• BOLLE (Pierre) et GODEL (Jean) [s. d.], Spiritualité, théologie et résistance. Yves de Montcheuil, théologien au maquis du Vercors, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 1987, 381 pages.
• ENCREVE (André) et POUJOL (Jacques) [textes réunis par], Les protestants français pendant la seconde guerre mondiale, Paris, Société d'Histoire du Protestantisme Français, 1994, 730 pages.
• JACQUES (André), Madeleine Barot, une indomptable énergie, Paris-Genève, Cerf - Labor et Fides, 1989.
• Les clandestins de Dieu. CIMADE. 1939-1945 [Textes rassemblées par Jeanne Merle d'Aubigné et Violette Mouchon], Genève, Labor et Fides, 1989, 220 pages.
• LAHARIE (Claude), Le camp de Gurs. 1939-1945 : un aspect méconnu de l'histoire de Vichy, Pau, J & D Editions, 1993, 397 pages.
• BOLLE (Pierre), Le Plateau Vivarais-Lignon. Accueil et Résistance. 1939-1944, Actes du colloque du Chambon-sur-Lignon, Le Chambon-sur-Lignon, Société d'Histoire de la Montagne, 1992, 699 pages.
• PESCHANSKI (Denis), La France des camps. L'internement, 1938-1946, Paris, Gallimard, 2002, 560 pages


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