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Jean-Marie DELABRE


(1924-2016)
Mouvement des Volontaires de la Liberté
Mouvement Défense de la France
18 septembre 2013, Jean-Marie Delabre pose devant la plaque à la mémoire de Défense de la France qui vient d'être inaugurée à la Sorbonne en présence de nombreux anciens de DF.

Photo Frantz Malassis
18 septembre 2013, Jean-Marie Delabre pose devant la plaque à la mémoire de Défense de la France qui vient d'être inaugurée à la Sorbonne en présence de nombreux anciens de DF.

Photo Frantz Malassis


Né le 17 décembre 1924 à Paris, Jean-Marie Delabre est un jeune lycéen parisien lorsque la guerre est déclarée. Vivant dans une famille bien informée où le patriotisme compte beaucoup, ce nouveau conflit entre l'Allemagne et la France ne le surprend pas. Après la mobilisation de son père, commandant de réserve et magistrat à la cour des Comptes, la famille déménage pour Caen, espérant ainsi être épargnée des bombardements. En juin 1940, la famille Delabre se mobilise pour secourir les réfugiés affluant sur Caen avant de prendre à son tour les routes de l'exode qui la mènent jusqu'à Château-Gontier (Mayenne). À l'automne 1940, Jean-Marie rentre avec sa mère et ses trois sœurs à Paris où il reprend ses études au lycée Louis-le-Grand à Paris.

 

Un rejet de l'occupant en héritage

  

Refusant dès 1940 la défaite de la France, il se met à arracher, avec son ami Jacques Richet, des affiches allemandes sur le trajet du lycée...  Sa mère, enfant, a déjà connu les rigueurs de l'occupation allemande en Lorraine durant la Grande Guerre. Grâce à Jacques Richet, il rencontre Jacques Lusseyran et intègre  le mouvement de résistance des Volontaires de la liberté en 1941. Il n'est plus isolé et peut distribuer les journaux clandestins Résistance (celui de Jacques Destrée) et Le Tigre  qui luttent contre la propagande allemande  et invitent  les Français à agir.

Début 1943, le groupe des Volontaires de la liberté  fusionne avec le mouvement Défense de la France, dirigé par des étudiants de la Sorbonne dont Philippe et Hélène Viannay et Robert Salmon. Jean-Marie diffuse le journal Défense de la France au lycée Louis-le-Grand, dans les boîtes aux lettres d'immeubles parisiens ou lors de sorties de messe. À partir du milieu de l'année 1943, il travaille également au service de fabrication des faux papiers du mouvement dirigé par Michel Bernstein, dont les productions alimentent aussi d'autres organisations de Résistance et toutes les catégories de pourchassés : réfractaires au STO, juifs menacés par la déportation...

Pour fêter le double anniversaire du journal né le 14 juillet 1941, et celui de la République, un numéro spécial de Défense de la France est édité le 14 juillet 1943 et diffusé au grand jour.  Jean-Marie Delabre le distribue place des Fêtes à Paris. Mais, le 20 juillet, c'est le drame. Un agent double s'étant infiltré dans le service de diffusion, une  souricière est installée par la Gestapo dans la librairie « Au vœu de Louis XIII » rue Bonaparte, qui servait de « boîte aux lettres ». 80 membres de DF sont arrêtés dont  Jean-Marie Delabre et Jacqueline Pardon, membre du comité directeur de DF. Tous les deux sont conduits dans les bureaux de la Gestapo, place des États-Unis, pour y être interrogés avant d'être écroués à la prison de Fresnes où  Jean-Marie reste enfermé pendant six mois.

 

L'épreuve de la déportation et le retour à la vie

  

Le 18 janvier 1944, il est envoyé au  camp de Compiègne d'où il est déporté vers Buchenwald  le 22 janvier 1944. Devenu le déporté 41 979, il est tout d'abord mis en quarantaine à Buchenwald où il retrouve ses amis Jacques Lusseyran et Jean-Claude Comert. Il est ensuite transféré au camp de Mauthausen et affecté à un kommando où il est contraint de creuser dans des conditions effroyables des galeries souterraines destinées à protéger des installations industrielles des bombardements alliés. Blessé par l'explosion d'une bombe, Jean-Marie Delabre est alors admis, avec une côté cassée et une forte fièvre, au revier du camp pour y être soigné. Grâce à la complicité de médecins, il parvient à s'y faire affecter, accroissant ainsi ses chances de survie.

Après la libération de Mauthausen le 5 mai 1945, Jean-Marie Delabre est rapatrié 15 jours plus tard à Paris. Dans un état d'épuisement extrême, il renonce bientôt à poursuivre ses études de Droit. Philippe Viannay le fait entrer, comme d'autres rescapés de Défense de la France, à France-Soir (1), journal que Jean-Marie Delabre quitte en juillet 1946 pour entamer une longue carrière dans le commerce international de céréales.

 

Au service de ses camarades et de leur mémoire

 

Fidèle à ses camarades de Résistance, il s'engage dans de nombreuses associations notamment au sein de l'Amicale Défense de la France dont il devient le trésorier.

Une fois à la retraite, il s'engage au profit des plus pauvres et des exclus de la société au sein de différentes associations caritatives dont le Secours catholique. Parallèlement à cela, il devient, auprès de Serge Ravanel, un des principaux animateurs et soutiens de l'Association pour des études sur la Résistance intérieure (AERI), qui mène une action pionnière en matière d'édition multimédia et numérique, avec une collection de CD-Roms sur les Résistances locales et le site internet coopératif du Musée de la Résistance en ligne. En qualité de vice-président de la Fondation de la Résistance, il  garantit la pérennité des missions de l'AERI en négociant en 2011 son intégration au sein de la Fondation.

Grâce à l'intervention de la Fondation de la Résistance auprès des autorités académiques, le 18 septembre 2013, il a la joie d'assister à l'inauguration d'une plaque, située au pied de l'escalier conduisant à la bibliothèque de la Sorbonne, commémorant l'impression d'août 1941 à septembre 1942, dans les caves de  l'université, des premiers numéros du journal Défense de la France.

Officier de la Légion d'honneur, Jean-Marie Delabre s'est éteint à Paris le 18 juin 2016.

Le 23 juin dernier, dans l'église Saint Thomas d'Aquin, Gilles Pierre Levy,  président de la Fondation de la Résistance, après avoir retracé le parcours de Jean-Marie Delabre, acheva son hommage par ces mots qui nous engagent : « Il a joué un rôle majeur pour la mémoire du combat que quelques hommes et femmes courageux comme lui ont mené au pire moment de notre histoire et en affrontant les pires risques. Cette cérémonie n'est pas la fin d'un grand trajet. Elle s'inscrit dans un parcours de très long terme. Il faut continuer à se battre pour les valeurs pour lesquelles Jean-Marie Delabre s'est battu. »

 

Frantz Malassis

(1) Défense de la France devient France Soir le 8 novembre 1944.

 

Sources :

- Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance. Défense de la France 1940-1949, Paris, Le Seuil, 1995.

- Livre mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression et dans certains cas par mesure de persécution 1940-1945, Paris, Fondation pour la Mémoire de la Déportation, éditions Tirésias, 2004, tome II, p.35.

- Parcours de Résistants, volume 3 (Jacqueline Pardon, Jean-Marie Delabre), DVD vidéo édité par Mémoire et Espoirs de la Résistance, 94 min.