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Une plaque à la mémoire de Défense de la France à la Sorbonne

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Actualité, Ven 20 septembre 2013

Le mercredi 18 septembre dernier à été inauguré une plaque commémorant l'impression dans les sous-sols de la Sorbonne en 1941-1942 du journal clansdestin Défense de la France.

 

Allocution de Madame Coquelet, vice-chancelier des Universités

 

Monsieur le Président de la Fondation de la Résistance,

Monsieur le Directeur général,

Madame l'Adjoint au Maire,

Madame la Présidente de l'Université Paris III- Sorbonne Nouvelle,

Monsieur Pierre Viannay,

Mesdames et Messieurs,

 

Soyez les bienvenus en Sorbonne. Au nom du recteur François Weil, je suis heureuse de vous accueillir aujourd'hui pour célébrer l'une des glorieuses pages de l'histoire de ces lieux.

Cette page s'est écrite au cours des heures sombres de l'Occupation avec de l'encre et du papier grâce au procédé de l'imprimerie. Un procédé qui avait jadis été introduit pour la première fois dans notre pays par le bibliothécaire de la Sorbonne, le recteur Guillaume Fichet. C'était à quelques pas d'ici, en 1470 - comme le rappelle cette plaque (1).

 

Ces deux pages d'histoire sont liées par un principe qui est depuis toujours au cœur de l'idée d'université : la diffusion publique du savoir, de l'opinion et de l'information. Ce principe de publicité des discussions et des débats a présidé à la fondation des universités au Moyen-âge. A l'aube de la Renaissance, il a encouragé l'apparition d'un nouveau mode de diffusion des connaissances par l'imprimé. Il fut par la suite au cœur de l'idéal des Lumières de partage et de transmission libre de l'opinion et de l'information. Pouvoir dire publiquement la vérité est devenu l'un des fondements de nos démocraties modernes. Ce fut aussi l'une des grandes armes de la Résistance au cours de la Seconde Guerre mondiale.

Ce n'est pas un hasard si les premiers actes de résistance dans notre pays furent le fait de la révolte publique d'étudiants et d'universitaires - à commencer par le rassemblement du 11 novembre 1940 place de l'Etoile à Paris. Ce fut aussi le cas du principal journal de la Résistance française, Défense de la France, qui fut imprimé clandestinement dans les caves de la Sorbonne d'août 1941 à septembre 1942.

Jacques Prévert nous rappelait dans une très belle formule que : « Quand la vérité n'est pas libre, la liberté n'est pas vraie. »

Cette défense de la vérité au nom de la liberté figurait en exergue de chaque numéro du journal à travers cette citation de Blaise Pascal : « Je ne crois que les histoires dont les témoins se feraient égorger. »

Ces mots avaient été choisis par les fondateurs du journal, Hélène et Philippe Viannay, Robert Salmon et Marcel Leblon. Une femme et trois hommes qui ont risqué leur vie pour revendiquer publiquement la liberté. La plaque que nous inaugurons aujourd'hui ne rend pas seulement hommage à leur courage héroïque, mais aussi à cet idéal pour lequel ils se sont battus ici-même.

Leurs noms sont désormais inscrits dans les murs de cette grande maison du savoir, entourés de ceux des étudiants et universitaires morts pour la France au cours de la Première ou de la Seconde Guerre mondiale(2) ; à quelques mètres de la crypte de la Chapelle de Richelieu où reposent douze universitaires résistants aux côtés des cendres des cinq lycéens martyrs du lycée Buffon.

A l'approche des commémorations du centenaire du déclenchement de la Première Guerre mondiale et du soixante-dixième anniversaire de la Libération, nous nous devons plus que jamais d'être fidèles à cette mémoire. Fidèles, nous le sommes ici en Sorbonne lors des cérémonies organisées le 11 novembre et le 8 mai ; nous le sommes également à travers la recherche historique de nos universitaires sur la Résistance et la période de la Seconde Guerre mondiale ; nous le sommes enfin en accueillant chaque année dans le Grand Amphithéâtre la remise des prix du concours national de la Résistance et de la Déportation aux élèves des collèges et des lycées de l'académie de Paris.

Je sais, Monsieur le Président, l'engagement fort qui est celui de votre fondation pour la promotion de ce concours et pour la diffusion de cette mémoire parmi les jeunes générations.

Les étudiants et universitaires qui passeront désormais chaque jour devant cette plaque garderont la mémoire des quatre fondateurs de ce journal dont il est juste que nous nous souvenions aujourd'hui avec émotion.

Alors, au nom de la communauté universitaire parisienne, je suis heureuse d'inaugurer avec vous cette plaque dans la justice du souvenir et le devoir de la mémoire.

(1) La plaque rappelant cet évènement se trouve juste au-dessus de la plaque du journal « Défense de la France ».

(2) Les plaques commémoratives se trouvent sur les murs du hall

 

 

Discours de Monsieur Pierre Viannay

Monsieur le Recteur de l'académie, Chancelier des universités de Paris représentée par Madame Coquelet, vice chancelier des universités,

Monsieur le Président de la Fondation de la Résistance,

Chers amis,

 

Devant cette plaque c'est l'action d'Hélène Viannay, ma mère, contre l'occupant allemand au cours de la Deuxième Guerre mondiale que l'on évoque aujourd'hui.

Hélène née le 12 juillet 1917, était la fille unique de deux émigrés russes révolutionnaires ayant fui la répression tsariste.

Sa mère, fille de pope, Marie Kopiloff née en 1877 en Sibérie sur les bords du lac Baïkal était une Menchevik. Médecin, elle soignait gratuitement des membres de la classe ouvrière. Révolutionnaire anti-tsariste elle choisit en 1908 l'exil en France après deux périodes d'emprisonnement à Saint-Pétersbourg. Son diplôme n'étant pas reconnu en France elle s'inscrivit à la faculté de médecine de la Sorbonne. Il y avait alors trois femmes qui poursuivaient leurs études de médecine à la Sorbonne, dont deux russes ! Ses études furent arrêtées par le déclenchement de la Première Guerre mondiale. Elle dut alors travailler comme responsable d'un centre de la Croix-Rouge pour gagner sa vie.

Son père Israël Mordkvitch, journaliste, descendant sans doute d'une communauté juive Khazar se battit pour la France puis il choisit de rejoindre la Russie après la révolution  d'octobre 1917. Hélène ne le connaîtra jamais. Marie Kopiloff meurt à Paris le15 novembre 1937, Hélène se retrouve orpheline à vingt ans.

Au cours de ses études en science l'un de ses professeurs lui conseille de suivre les fameux cours de « Géographie Physique et Géologie Dynamique » dirigés à la Sorbonne par le Professeur Léon Lutaud ce qu'elle fit après avoir obtenu le P.C.B, certificat d'études physiques, chimiques et biologiques.

En septembre 1939 la France et la Grande-Bretagne déclarent la guerre à l'Allemagne. Hélène s'était portée volontaire comme pompier à la Sorbonne dans le cadre de la Défense Passive et elle avait répondu volontiers à l'appel du Professeur Lutaud qui cherchait des étudiants pour assurer des gardes de nuit afin de protéger le laboratoire en cas d'incendie provoqué par d'éventuels bombardements. Elle détient alors une clé de la Sorbonne où elle peut facilement entrer et même souvent passer des nuits entières, sur un canapé, dans le bureau du directeur de travaux pratiques, Monsieur Gandillot.

Le 10 mai 1940 l'attaque allemande sur la Belgique et la Hollande se transforme rapidement en envahissement de la France et l'exode de la population vers le sud s'accroit de jour en jour.

Paris est occupé le 14 Juin. Le Professeur Lutaud qui avait déjà pris la précaution de faire cacher à Bordeaux sa fameuse collection de plans reliefs, ce qui rendit furieux l'occupant qui comptait s'en emparer pour préparer le positionnement de ses batteries d'infanterie, informe Hélène qu'il doit partir pour mettre ses instruments à l'abri. Ne voulant pas la laisser seule il lui propose de la prendre dans sa voiture avec sa bicyclette. Hélène est alors déposée an nord de la Loire. Elle réussit à rejoindre Limoges d'où elle peut donner des nouvelles de la Sorbonne à Monsieur Gandillot.

Après l'armistice Hélène reçoit un message de Monsieur Lutaud lui demandant de le rejoindre à Paris où il lui propose de devenir son assistante pour faire fonctionner son laboratoire, ce qu'elle accepte. Hélène vit alors entre son logement du 68 de la rue du Cardinal Lemoine et la Sorbonne dont elle a conservé la clé de la porte donnant rue Cujas et où elle reste souvent la nuit pour taper sur une machine à écrire des tracts contre les allemands et le gouvernement de Vichy qu'elle dépose dans des boîtes aux lettres.

Un jour inscrivant les candidats aux cours de Monsieur Lutaud elle se trouva en face d'un certain Philippe Viannay, mon futur père, auquel elle demanda pourquoi, alors qu'il faisait des études de philosophie, il venait s'inscrire à un cours de géologie. Il lui répondit, assez maladroitement, que pour passer l'agrégation de philosophie il fallait obtenir un certificat de sciences et qu'il pensait que le certificat de géologie serait l'un des plus faciles à obtenir.

Les relations entre Philippe et Hélène sont d'abord assez tendues comme pouvaient l'être celles d'un jeune homme refusant la présence de l'occupant mais qui croyait encore à un double jeu de Pétain et d'une jeune femme déterminée à chasser l'occupant et le régime de Vichy.

 

Peu de temps après tout cela change quand Philippe lui explique qu'il veut se battre en France contre les Allemands non pas avec des armes mais en créant un journal clandestin comme l'avaient fait les Belges au cours de la Première Guerre mondiale avec La Libre Belgique.

Philippe avait imaginé ce projet à la suite de ses conversations avec Marcel Lebon, dirigeant de la compagnie du gaz et électricité Lebon, qui étendait son empire dans l'ouest de la France ainsi qu'en Algérie et en Égypte. Cette Compagnie fut nationalisée avec d'autres, après-guerre, pour créer EDF. Ils s'étaient rencontrés avant la guerre au cours de colonies de vacances que Philippe animait et qui avaient lieu dans une propriété appartenant aux Lebon. Monsieur Lebon a encouragé Philippe à s'engager dans la résistance en l'assurant de lui apporter toute son aide en moyens techniques et financiers.

Philippe a entrainé Hélène dans cette aventure ainsi que Robert Salmon, ancien camarade de khâgne, étudiant lui aussi à la Sorbonne.

Monsieur Ranchon un assistant de la Compagnie Lebon permet à Philippe d'étudier les problèmes techniques d'impression et de tester les divers matériels nécessaires.

Ainsi à trois Hélène, Philippe, Robert Salmon avec l'aide discrète et efficace de Marcel Lebon fut constitué le noyau de l'équipe qui créa le journal clandestin Défense de la France, et le mouvement de Résistance du même nom.

 

Rapidement une, puis deux rotatives Rotaprint sont achetées en Allemagne, au nom de la Compagnie Lebon.

Il y avait beaucoup de choses à faire et à apprendre car la volonté des fondateurs était de tout faire par eux-mêmes, le danger d'avoir recours à des imprimeurs professionnels leur paraissait considérable.

Cependant, grâce à Paul Ranchon, Philippe rencontra Jacques Grou-Radenez, imprimeur installé rue de Sèvres à Paris, homme très cultivé ami de nombreux poètes. Il apporta une aide considérable tant pour trouver du matériel que pour former au métier des membres de l'équipe dont le nombre s'élargissait et parmi lesquelles figurait Charlotte Nadel.

Jacques Grou-Radenez est arrété par les Allemands le 12 novembre 1943. Torturé puis condamné à mort, il mourut en déportation en 1945.

L'impression du journal fut assurée au départ par Philippe seul. Charlotte Nadel prit par la suite la direction de l'impression et de la fabrication du journal grâce aux leçons qu'elle suivit auprès de Jacques Grou-Radenez et d'un spécialiste de la clicherie Alain Radiguet.

Assez rapidement l'équipe s'enrichit d'amis et de relations des fondateurs. Citons parmi les premiers : Génia Deschamps, amie d'enfance d'Hélène qui entraina avec elle la famille Kovozieff, Geneviève Bottin, Marianne Réau, Jacqueline Pardon ou encore Geneviève de Gaulle ainsi que plus tard Jean Daniel Jurgensen et Patrice Blank.

Au courant de l'année 1941, la rotative, dont le nom de code était « Simone », est transportée à la Sorbonne. Il s'y trouvait un local adéquat. À partir de l'entrée, on accédait à un tableau où étaient accrochées les clefs de la cave située deux niveaux plus bas. Profonde, avec un sol en terre battue, elle est constituée de deux pièces. De là partaient d'immenses souterrains. On décida d'installer « Simone » dans la deuxième pièce de la cave. Il y avait là une petite ampoule qui pendait du plafond et une porte qui permettait d'accéder aux couloirs souterrains en contrebas où l'on pouvait cacher le matériel d'impression et les armes. Cette cave n'avait pas d'issue de secours et s'ils étaient découverts les résistants n'avaient aucune chance d'échapper à l'ennemi. Il fallait donc faire très attention de ne pas être suivi.

Un jour, alertés par un bruit de machine d'imprimerie autre que la leur, les responsables de « Défense de la France » décident de ne pas prendre de risques et de transporter l'imprimerie rue de Dantzig chez un ami, Alphonse Dain, ancien professeur à la Sorbonne de Philippe Viannay et de Robert Salmon.

Les conditions de sécurité n'y étaient pas bonnes et après avoir retrouvé dans la rue des bouts de journaux mal brulés, donc lisibles, il est décidé de retourner provisoirement à la Sorbonne de mai à septembre 1942.

« Défense de la France » repère alors un immeuble rue Gazan, sur le toit duquel est installée une batterie anti-aérienne de la Flak allemande. Le concierge expliqua qu'il y avait un appartement de libre, l'anglais qui l'occupait ayant été arrêté. Quelle police irait les trouver dans une telle cachette? Le départ de la Sorbonne est alors décidé.

Le développement de « Défense de La France » se poursuivit donc en dehors de la Sorbonne avec du matériel d'imprimerie de plus en plus encombrant qu'il aurait, en tout état de cause, été difficile de transporter dans ses couloirs exigus. Le tirage du journal devint de plus en plus important, jusqu'à 400 000 exemplaires à l'époque de la libération de Paris. La diffusion se développa beaucoup au cours des années 1943 et 1944 particulièrement par l'apport de nouveaux résistants recrutés avec le rapprochement que Philippe Viannay put faire au tout début de l'année 1943 avec la plus grande partie du groupe « Les volontaires de la liberté » grâce à ses créateurs Jacques Lusseyran et Jean-Jacques Oudin.

L'activité du mouvement « Défense de la France » ne se poursuit pas seulement avec le journal mais avec un service de fabrication de faux-papiers, bénéficiant des talents de Michel Bernstein et de Monique Rollin, destinés à tout ceux qui étaient recherchés par les autorités allemandes en particulier les juifs et tous les jeunes requis pour le Service du Travail Obligatoire. Des faux timbres postaux furent aussi fabriqués permettant de diffuser le journal à moindres frais.

Après le débarquement des Alliés de juin 1944 en Normandie, Philippe Viannay reçut la responsabilité d'organiser un maquis dans l'ancienne Seine-et-Oise où il rassembla de nombreux membres du mouvement avec des Francs-Tireurs et des Partisans locaux. Il participa avec eux aux combats de la Libération tandis que Patrice Blank et Robert Salmon et bien d'autres assurent la continuité de la parution et de la diffusion du journal.

De nombreux membres du mouvement, notamment ceux chargés de la diffusion du journal furent arrêtés dont 87 furent passés par les armes, 322 ont été déportés et 132 sont morts dans les camps de concentration.

Par un heureux hasard la plaque que nous allons bientôt dévoiler est apposée en dessous de celle consacrée à la mémoire de Guillaume Fichet.

Hélène, à la fin des années 90, s'était impliquée dans le comité Guillaume Fichet-Octave Simon. Octave Simon sculpteur, féru de culture allemande fut un grand résistant. Arrêté par la Gestapo il mourut en camp de concentration en 1944. Ce comité s'est donné pour objectif de faire ériger deux statues de Guillaume Fichet sculptées par Octave Simon. L'une est à Paris au Pavillon allemand de la cité universitaire, l'autre à l'université Gutenberg de Mayence. Hélène avait en effet été très émue d'apprendre que Guillaume Fichet, l'ancêtre d'Octave, avait créé à la Sorbonne en 1470 la première imprimerie de France, précisément là où, dès 1940, elle imprimait des tracts antiallemand. L'Université et l'imprimerie symboles de liberté.

Cette action parmi d'autres lui vaudra de recevoir en l'an 2000, à Strasbourg le prix Charles de Gaulle- Konrad Adenauer, ce beau prix de la réconciliation franco-allemande.

 Nous allons maintenant dévoiler avec une grande émotion cette plaque à la mémoire de la vie clandestine d'Hélène Viannay.

Hélène était très attachée à la Sorbonne. Elle habita jusqu'à sa mort, le 25 décembre 2006, juste à côté, toujours rue du Cardinal Lemoine, en face de son ancienne chambre d'étudiante.

En passant rue Cujas elle ne manquait pas de montrer à ses amis la porte de la Sorbonne dont elle avait longtemps gardé la clé. Elle avait eu l'occasion de revoir les caves dans les années 90 mais celles-ci ayant été réaménagées elle ne fût pas à même de situer avec précision l'emplacement de l'imprimerie clandestine.

C'est un moment d'émotion bien sûr pour les membres de « Défense de la France » présents aujourd'hui et qui participèrent à cette aventure, Jeanne Valiron, Jean Marie Delabre...

Émotion aussi pour les familles des disparus dans les camps, citons entre autres les familles Grou Radenez, Mefred Devals, Lusseyrand et ma propre famille. Émotion encore pour les amis d'Hélène aux Glénans parmi lesquels je citerai entre autres Marie Ange d'Adler, Virginia et Jean Marc Pilpoul, Margaret King...

Cette plaque témoignera, notamment pour les générations des futurs étudiants à la Sorbonne, de la création en ce lieu du mouvement et du journal Défense de la France qui eut le plus fort tirage de la presse clandestine en France occupée durant la Seconde Guerre mondiale.

Je vous remercie de votre attention

 

Discours de Monsieur Jacques Vistel, Président de la Fondation de la Résistance

Madame le Vice-Chancelier, Madame le Maire, Chers anciens et amis de « Défense de la France ».

« Au commencement était le verbe » écrit Saint Jean en ouverture de son Evangile.

Cette référence n'aurait pas déplu à Philippe Viannay, qui étudia la théologie et songea à la prêtrise. Le verbe, assurément fut au commencement de la Résistance, dans une France vaincue, désarmée et trahie. Résistance intellectuelle et spirituelle, qui trouva naturellement sa voie en inventant la presse clandestine. Pour Défense de la France, qui fut, par la qualité de son contenu et par la diffusion considérable conquise année après année, au premier rang de cette presse, l'urgence était, comme l'indique le titre qu'elle s'était choisie, de défendre la France et donc de résister à l'Allemagne nazie. Cette attitude claire et ferme n'alla pas sans quelques ambiguïtés originelles, tant à l'égard de Pétain, dont certains espéraient qu'il pratiquait le « double jeu », puis de Giraud, avant que, sous l'influence, notamment, d'Hélène Viannay, de Geneviève De Gaulle, de Jean Daniel Jurgensen, ces ambiguïtés se dissipent.

« Défense de la France » eut un itinéraire familier aux historiens de la Résistance : du journal clandestin de 41 aux faux papiers puis à l'engagement combattant de 44 dans des maquis de Bourgogne et d'Ile de France, où, commandant FFI d'un maquis de Seine et Oise, Philippe Viannay fut blessé, fait prisonnier, s'évada et reprit son commandement. Mais au cours des années sombres, « Défense de la France » avait écarté l'action violente et les actions spectaculaires jugées militairement inefficaces et privilégié, avant que vienne le temps de l'action, la réflexion et l'appel à la Résistance morale. On le sait, cela n'allait pas sans risque et, rédacteurs, imprimeurs et diffuseurs de « Défense de la France » payèrent le prix lourd de leur engagement : plus de 200 moururent, fusillés ou déportés.

Par la volonté des survivants, la Fondation de la Résistance a reçu en 2006 l'héritage de « Défense de la France » : elle a ainsi pris le relai pour l'attribution, chaque année, du prix « Philippe Viannay Défense de la France ». Elle a surtout mené, avec la Bibliothèque Nationale de France, l'opération de numérisation de la presse clandestine : la collection complète de « Défense de la France » est ainsi accessible à tous, en France et hors de France, sur le site du Musée en ligne de la Fondation et sur le site Gallica.

Résistance intellectuelle et spirituelle, disais-je à l'instant ; c'est dire que le choix de la Sorbonne fait par Hélène Viannay pour installer l'imprimerie clandestine de « Défense de la France » avait un sens qui allait au-delà des commodités, si j'ose dire, offertes par les caves de l'Université. La décision prise par vous-même et votre prédécesseur de faire apposer la plaque qui nous réunit aujourd'hui nous touche, mais nous parait naturelle. Elle rappelle une histoire d'engagement et de sacrifice à laquelle ceux qui passeront désormais ici, enseignants et étudiants, doivent être attentifs. Elle s'inscrit aussi dans une longue histoire, l'accueil de « Défense de la France », en 1.941, faisant écho à l'installation, dans ces mêmes lieux, en 1470, de la première imprimerie apparue en France. Ainsi va, de siècle en siècle, l'aventure intellectuelle et morale dont la Sorbonne demeure le siège.